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Traité de l'Art délicatement désuet du Décollage d'Étiquettes

Je déconseille la lecture de ce texte aux personnes sensibles,
aux impatients, à ma belle-soeur et à son chien Oscar.

AVANT PROPOS:

(Certains vont droit au but, directs et efficaces, présentation PowerPoint à l'appui, moi, c'est le contraire: je m'étale, je disserte... je préambule.)

Les collectionneurs d'étiquettes, que nous appellerons "oenographiles" pour simplifier, ne sont pas obligatoirement les meilleurs experts en décollage d'étiquettes (phrase-choc... ça démarre très fort).

En revanche, le buveur de qualité (c'est moi, ça), qui conserve une étiquette de toutes les bouteilles qu'il a bues (tout à fait moi), n'a de cesse de raffiner sa technique jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, année ... (bon, vous avez compris l'idée, je crois) .

Les sommeliers, autrefois si émérites dans l'art subtil du décollage, avouent souvent leur impuissance face à la génération montante d'étiquettes autocollantes, ce qui oblige le client aviné (ce n'est pas moi, ça) passionné (ah, c'est mieux) à rapporter furtivement la bouteille vide en sa demeure pour la travailler à loisir.

J'emploie le mot "furtivement" car l'esthète qui s'adonne à cette pratique n'aura pas manqué de remarquer à quel point le désir de conserver les étiquettes est une notion assez délicate à exposer au non-initié:

Dans le meilleur des cas, on vous regardera d'un oeil compatissant en hochant la tête, et dans le pire des cas, les voisins fermeront les volets quand vous passerez devant chez eux. (D'ailleurs, le mot "oenographile" n'est pas dans le dictionnaire... Cela donne une bonne idée, je crois, de l'acceptation sociale de cette pratique.)

Au risque de paraître incomplet et superficiel, je laisserai (provisoirement) de côté l'importance du décollage d'étiquettes dans l'Histoire, afin que ce texte puisse entrer dans les "digests" sans faire exploser le serveur.

 

Si vous avez lu jusqu'ici mon indigeste prose, alors vous êtes vraiment intéressés par le sujet. Restons donc entre gens de qualité et entrons dans le vif du sujet : voici donc mon expérience de grand professionnel (depuis une bonne semaine) de peleur de flacons:

Remarque préalable:
Il n'existe pas une méthode universelle. A chaque type d'étiquette (ou plutôt de colle), il correspond une méthode idéale. En règle générale, il ne faut pas insister. S'il n'y a pas de résultats dans les 5mn, c'est que la méthode n'est pas la bonne.

Première question à se poser:
Est-ce une étiquette papier collée ou une étiquette auto-adhésive ?

Les auto-adhésives sont le plus souvent un peu plus épaisses que les autres. Pour identifier le type: regarder l'envers de l'étiquette à travers la bouteille. Si la colle est répartie uniformément, s'il y a des bulles (petites cloques) et que l'étiquette colle quand vous appuyez dessus, c'est une auto-adhésive.

1) LES AUTO-ADHÉSIVES:

C'est le cas le plus simple et maintenant de plus en plus courant (toutes régions). La colle se ramollit à la chaleur, donc il suffit de placer la bouteille 3-4 minutes dans le four à 140 degrés, de soulever un coin avec un cutter et de tirer doucement. En cas de résistance, prolonger le séjour dans le four (juste pour lui montrer qui est le chef). Si l'étiquette est toute en hauteur, il est de bon ton de monter la température pour faciliter le décollage.
Si le coin que vous soulevez avec le cutter ne se décolle pas correctement (par exemple en se déchirant dans l'épaisseur), il ne faut pas insister: vous vous êtes trompés de type, allez en (2)

Une fois l'étiquette décollée, il faut la recoller tout de suite sur quelque chose. Personnellement j'utilise des fiches cartonnées 100x150 blanc uni. Si vous voulez conserver l'étiquette seule, vous pouvez la saupoudrer de talc, côté colle.

Ceux qui oublient de prendre un gant et se brûlent en prenant la bouteille dans le four ne sont pas aptes au décollage d'étiquettes, et je ne saurais trop leur recommander de s'orienter vers une autre collection, plus calme et moins risquée (les boîtes de camembert par exemple, c'est très bien aussi).
Les grands nerveux, les impatients qui tirent trop fort et déchirent tout auront quelques difficultés à poursuivre (autant les prévenir tout de suite) mais un entraînement régulier entrecoupé de séjours dans un monastère tibétain permettra de limiter les dégâts.

Il existe des variantes: certains utilisent un sèche-cheveux. Je suppose que cela marche aussi, c'est seulement plus long (et plus bruyant). D'autres remplissent plusieurs fois la bouteille d'eau brûlante. A réserver à ceux qui aiment faire compliqué (et à ceux qui n'ont pas de four).

2) LES ÉTIQUETTES PAPIER, COLLE SOLUBLE À L'EAU:

Ce type est en régression, mais il en reste encore beaucoup. Tout le monde connaît la solution: on trempe dans l'eau. Si l'étiquette ne décolle pas au bout de 5-10 mn, essayer avec de l'eau chaude.

Si l'étiquette semble imperméable à l'eau, il y a de fortes chances que ce soit une auto-adhésive, allez en (1).
Si elle réagit à l'eau mais ne vient toujours pas, vous allez devoir envisager d'autres solutions, réservées aux fortes têtes... Allez en (3).

Si le décollage est des plus simples, le séchage est hautement délicat. Il faudrait plusieurs ouvrages pour rapporter in extenso les études sur la mécanique ondulatoire de l'étiquette en cours de séchage, et donc je me garderai bien d'explorer plus avant ce sujet fascinant à plus d'un titre.

3) LES AUTRES ÉTIQUETTES PAPIER :

Maintenant, on aborde les "originales", les "expérimentales", le genre "inventeur".
Il va falloir sortir l'artillerie lourde. Eloignez les enfants en bas-âge, on va donner dans l'exotisme:

En premier, j'essaie de tremper la bouteille dans de l'eau chaude additionnée d'ammoniaque. Il convient d'opérer en extérieur, les vapeurs d'ammoniaque sont toxiques. Inutile d'en mettre beaucoup. Sous 3-4 minutes, de nombreuses étiquettes récalcitrantes vont se décoller toutes seules comme par enchantement.
Les étiquettes de bourgogne ne se décollent généralement qu'à l'ammoniaque. Plus rarement, on verra ce type de colle sur certains bordeaux et rhônes.

En second, j'essaie l'essence F. C'est un solvant qui fonctionne très bien sur les colles à base de caoutchouc.

En troisième, j'essaie certains solvants plus classiques, sur un coin d'étiquette pour voir: white spirit, alcool à brûler, trichlo, plus par acquit de conscience: cela ne marche que très très très rarement (=jamais?).

Normalement, à ce stade, vous avez décollé 99% des étiquettes. Il restera toujours quelques réfractaires, du genre "super-glu".
Pour celles-là, il reste la méthode brutale: on trouve un adhésif, genre scotch transparent très large, que l'on colle en appuyant fort sur l'étiquette. Ensuite on décolle le tout sans faiblir: la moitié de l'étiquette reste sur la bouteille mais le coté imprimé de l'étiquette reste collé à l'adhésif.
Certes on peut trouver cette méthode un peu vulgaire et dénuée de raffinement... mais cela marche bien (et même très bien) et ce, dans tous les cas. Une société lyonnaise commercialise cet adhésif puissant sous le nom de "Albert l'Astucieux".

 

Quelques autres pratiques :

- Mettre la bouteille (étiquette détrempée) au congélateur pour "casser" la colle. J'ai essayé avec certaines récalcitrantes sans résultats probants.
- Peler l'étiquette détrempée avec un cutter large (le SAMU, c'est le 15).

 

Remi Loisel

Texte originalement écrit pour la liste de diffusion Iacchos.
(Ce document a été classé WKZ42L3 par le Ministère de la Défense)