Les Tonnelles
Février 2002

Le samedi soir, après une aprés-midi passée au salon de "La Dive Bouteille", direction "Les Tonnelles", sur l'île Béhuard au beau milieu de la Loire juste en face de Savennières.
C'est sur la partie la moins inondable de l'île que l'on trouve le restaurant de Gérard Bossé. Il est normalement fermé à cette période de l'année, mais ce soir il est ouvert pour nous tous seuls et Gérard Bossé a préparé un repas pour accompagner 14 vins, soigneusement triés sur le volet par nos gentils organisateurs.

Là, plus question de match: à partir d'un certain niveau, on ne ferraille plus...

==== A l'Apéritif ====

Champagne GC André Beaufort 1990 (carafé)
(Majorité de pinot noir. Dégorgement tardif. Culture bio.)

Nez très expressif, brioché, beurré, assez original. Séduisant dès l'attaque, il est ample en bouche.
Petite pointe d'acidité en fin de bouche. Vineux, c'est une forte personnalité que je verrais plutôt sur un plat qu'en apéritif.

==== Sur une première entrée à base d'émincé de Saint Jacques ====

Savennières roche-aux-moines Château de Chamboureau sec 1988
Riesling VT Brand Zind-Humbrecht 1983

Le savennières présente un nez typique, assez minéral. La bouche est plutôt étroite, l'acidité est assez forte. C'est un savennières très austère. Personnellement ce n'est pas mon genre préféré...

Le nez du riesling est floral avec des notes pétrolées, un joli nez. En bouche, je lui trouve une grande finesse, une grande classe. Il a tout: Du gras, de l'acidité, du sucre, tout cela dans un bel équilibre.
Pour moi, c'est un très grand vin mais mes voisins alsaciens notent "une très légère pointe d'acidité qui l'empêchera d'atteindre l'exceptionnel". J'aime beaucoup mais mon enthousiasme doit quand même être tempéré par le prix passablement élevé d'une telle bouteille.

==== Sur une seconde entrée à base de médaillon d'anguille ====

Vouvray Clos Naudin (sec) 1993

Un très joli nez, délicatement grillé, sur les agrumes et les notes florales. J'aime beaucoup ce nez complexe. En bouche, il fait montre d'une grande finesse, une jolie matière sur une trame parfaite. Longue finale. Un très grand vin. J'aime beaucoup sa délicatesse.

==== Sur le premier plat à base de Veau sur un lit de chou frisé ====

Tokay-pinot gris VT Rangen de Thann Zind Humbrecht 1983
Volnay Santenots du Milieu 1^er cru Comtes Lafon 1988
Moulis Chateau Poujeaux 1986

Un blanc et deux rouges... Pour moi, le meilleur accord se fera avec le blanc d'Alsace.

Le pinot gris présente un nez plus modéré que le riesling. La bouche est puissante, l'acidité bien maîtrisée. A ma grande surprise, il ne présente que peu de sucres mais il est vrai qu'à cette époque les VT en avaient moins que maintenant. C'est un très beau vin, mais que j'aime un peu moins que le riesling, car je le trouve moins complexe (ce qui est un peu normal du fait du cépage). Une fois encore, le prix vient tempérer l'enthousiasme.

Le volnay présente un nez expressif, très marqué par les fruits rouges. En bouche, j'ai noté une grande souplesse, sa finesse, mais aussi une légère acidité. Je suis content d'avoir goûté ce vin car je manque de référentiels en bourgogne, mais je ne peux pas dire que j'aie été emballé. Je reconnais le côté velouté de ce vin, mais l'ensemble me semble vraiment bien peu corsé. D'autres que moi pourront certainement mieux en parler.

Le Poujeaux 86 présente un nez assez expressif, que j'ai trouvé peu évolué, toujours sur les fruits noirs (cassis). En bouche, le vin est puissant sur une trame tannique massive mais serrée. C'est un beau bordeaux assez classique, aux tanins très présents, étonnamment jeune. Un beau vin.
Mettre un bordeaux bien tannique sur du veau m'a fait un peu sourire... car en plein territoire ligérien, c'est de bonne guerre...

==== Sur le second plat principal à base de pigeonneau ====

Châteauneuf-du-pape Clos du Mont-Olivet 1980
Hermitage Delas Frères "les Bessards" 1991
Cornas Auguste Clape 1989

Le Mont-Olivet présente un superbe équilibre acidité/moelleux, tout s'est fondu en un ensemble harmonieux. Un très beau vin.

L'hermitage a le nez le plus expressif, un nez assez jeune toujours sur les fruits rouges. La bouche est très aromatique, très fruitée, le fruit "saute à la figure", finale magnifique. On sent qu'il a de la marge pour s'améliorer encore.

Le cornas présente un nez plus animal. La bouche est bien fondue, l'ensemble est harmonieux. Un très beau vin également.

J'ai trouvé ces trois vins superbes, très harmonieux. Pris isolément, chacun aurait illuminé un repas.
Bon maintenant, si l'on s'amuse à comparer, je dirais que c'est le Mont-Olivet qui allait le mieux avec le plat. L'hermitage est le plus beau en dégustation pure, mais sur le plat il est peut-être un peu plus fatiguant. Le cornas paraît avoir une matière un poil plus faible que l'hermitage, mais il est très bien sur le plat.
Mais, je chipote là, car ces trois vins sont superbes.

==== Sur un comté ====

Arbois André et Mireille Tissot 1997

Le nez est modéré, noix principalement. J'ai trouvé la bouche fine, peut-être pas très ample, mais je dois avouer manquer de référentiels sur les vins du Jura. D'ailleurs, je dois avouer avoir toujours un peu de mal avec ce type de vins.

==== Sur une poire pochée à la mélasse ====

Coteaux du layon Château du Breuil 1960
Sauternes Château De Fargues 1986

Boire un vin presqu'aussi vieux que soi est toujours un moment d'émotion. Ce Château du Breuil 1960 ne fait pas son âge (hé hé...comme moi..!), il faut dire qu'il n'a pas du voyager plus de 20 kms de toute son existence (beuh...comme moi...) puisqu'Eric Morgat l'a apporté directement du domaine de ses parents (comme... euh non). La robe est jolie, tirant sur l'orangé, le nez est modéré sur les fruits confits. En bouche, il m'est apparu puissant, avec une trame acide assez marquée, étonnamment jeune.

Le Fargues en comparaison paraît plus classique: Un nez expressif de fruits exotiques, un bel équilibre en bouche, léger, presqu'aérien, très fin et très très long. C'est peut-être classique mais du classique de très haut niveau. J'aime beaucoup.

==== En friandise... ====

Tokay-pinot gris SGN Altenbourg Domaine Albert Mann 1994

Pour finir en beauté, une petite perle:
C'est un tokay-pinot gris qui n'en est pas un. Resté 5 ans en bonbonne, il n'a jamais voulu fermenter vraiment et l'on se retrouve avec une superbe friandise qui titre 6/7 degrés, avec plus de 400 gr de sucres résiduels!

Superbe couleur orangée, forte viscosité. Le nez est expressif: abricot confit est sans doute ce qui le caractérise le mieux. Une grosse bouche, beaucoup de sucre mais très leger, aucune lourdeur. Vraiment incroyable. En bouche, cela pourrait rappeler certains vieux alcools, mais sans alcool!
Vraiment exceptionnel.

Superbe repas donc: des vins exceptionnels sur l'excellente cuisine de Gérard Bossé.

Remi Loisel
Message initialement publié sur la liste Iacchos.